Alors, Cherki le meilleur ?

Le voilà, ce fameux match référence ! Vous pensez que nous parlons de la belle victoire lyonnaise face au RC Lens (2-1) ? En partie oui, mais pour les supporters lyonnais présents au Groupama Stadium dimanche dernier, ce sursaut d’orgueil des Gones coïncide avant tout avec l’explosion tant attendue de Mathis Rayan Cherki (19 ans), gamin du cru qui attaque déjà sa quatrième saison au sein de l’effectif pro. Auteur du but de la victoire, mais aussi d’une délicieuse passe décisive pour son pote Alexandre Lacazette (sorti sur blessure), l’ancien de l’AS Saint-Priest parvient enfin à justifier les immenses espoirs placés en lui par ses coachs, éducateurs et supporters. Laurent Blanc a-t-il trouver la clé pour que Cherki puisse enfin exprimer avec régularité son immense talent ? Entre impatience et nécessité de progresser dans son jeu, Capitaine Lyon revient sur les obstacles auxquels Rayan Cherki a dû faire face à l’OL, avant de mettre enfin tout le monde d’accord.

2019-2021 : premiers frissons avec Rudi Garcia

Samedi 18 janvier 2020. Alors que le directeur sportif Juninho est en pleine réflexion sur les retouches qu’il doit apporter à l’effectif lyonnais pour rectifier la trajectoire d’une saison bien mal embarquée (ndlr : Sylvinho démis de ses fonctions deux mois plus tôt), Rudi Garcia choisit ce seizième de finale de Coupe de France contre le FC Nantes pour lancer un « baby gone » dont tous les supporters lyonnais attendent avec impatience l’éclosion. Malheureusement pour les habitués du Groupama, c’est bien le stade la Beaujoire qui assiste pour la première fois à l’explosion du phénomène de 16 ans et 154 jours. Avec deux buts (dont un au bout de 54 secondes de jeu!), deux passes décisives et un penalty provoqué (manqué par Dembélé), c’est une véritable masterclass que déroule Cherki dans la cité des Ducs de Bretagne. Avec des médias totalement sous le charme, tout laisse à penser que le crack tient déjà son match professionnel de référence, et Juninho une recrue de choix dans le secteur offensif. D’ailleurs, la performance de Cherki ira jusqu’à faire réagir un certain Kylian Mbappé sur Twitter, pote du Lyonnais et référence en termes de précocité et d’impatience : « Faut pas trop lui parler d’âge hein. @rayan_cherki ».

Du côté de Rudi Garcia, pas question de s’enflammer. Conscient du rôle de paratonnerre qu’il se doit de tenir pour permettre à son phénomène de continuer à progresser, l’ancien coach de l’OL rappelle à Cherki que sa performance XXL doit être simplement considérée comme un début : « On sait que c’est un garçon qui a les capacités pour être décisif. Bien sûr que ça, ça m’a plu. Mais mon rôle, c’est aussi d’abaisser les niveaux parce que tout le monde va le porter aux nues et ça va être un grand danger s’il ne m’écoute plus, ne travaille plus et pense que c’est arrivé. »

Pourtant, sans la crise sanitaire qui confinera la planète entière deux mois plus tard, il y a fort à parier que Garcia aurait continué à donner du temps de jeu à l’international espoir français. Début février, l’ancien entraîneur du Mans n’hésite pas à lui renouveler sa confiance lors de la difficile réception du PSG (2-4). Celui qui se targue d’être également responsable de l’explosion d’Eden Hazard au plus haut niveau, ne cache plus son affection pour le Franco-Algérien : « Cherki comme le Hazard que j’avais lancé à Lille ? L’avenir nous le dira, mais c’est un joueur que j’ai lancé alors que j’avais encore Memphis Depay et Jeff Reine-Adélaïde. Ce qui me plaît chez Rayan c’est qu’il aime travailler, il aime le football, il suit. Il est à l’écoute, bien entouré et conseillé. Tant qu’il restera humble et qu’il travaillera, il continuera à progresser. C’est aussi à moi de le gérer en l’utilisant avec parcimonie. Il n’a que 16 ans. Il y a tout l’aspect psychologique qui va avec. Je serai certainement plus exigent avec lui qu’avec les autres mais il faut aussi un côté paternaliste et de temps en temps, lui dire que ce n’est pas bien. J’ai beaucoup d’affection pour lui, je crois évidemment en lui et je pense qu’il peut devenir un très grand. » Bien conscient de ses capacités offensives incroyables, l’ancien coach de l’OM admet en revanche que son numéro 18 dispose d’une marge de progression assez grande sur le plan défensif : « On le gère en le faisant travailler, en l’accompagnant et en lui expliquant bien surtout ce que l’on attend de lui sur le terrain. Quand il s’agit d’attaquer, de marquer des buts ou d’être décisif, on peut compter sur lui. Il doit continuer à travailler son replacement, son placement et sa générosité défensive pour l’équipe. Il doit donner plus de garanties au coach de pouvoir le faire jouer dans toutes les situations de jeu que l’on mène ou pas, que ce soit un nul, que ce soit à l’extérieur ou que l’on soit à dix ou pas. » Dans une période déjà tumultueuse, le club rhodanien ne peut se permettre de donner carte blanche à un joueur ne faisant pas les efforts défensifs, malgré son potentiel offensif évident. Mais, fidèle à ce qu’il avait annoncé après la prestation nantaise de son poulain, Garcia permet à Cherki de grappiller du temps de jeu au cours de la saison 2020-2021. S’il ne le titularise que quatre fois, l’ancien coach du Mans lui permet de fouler les pelouses de l’Hexagone à 30 reprises toutes compétitions confondues (4 buts et 5 passes décisives). Et au moment de quitter l’OL au printemps 2021, Rudi Garcia n’oublie pas de souligner les progrès effectués par son jeune prodige sous ses ordres : « Il commence à emmagasiner des consignes, il commence à être décisif. Même avec peu de temps de jeu, il a été capable de faire la différence. Pour un joueur de sa qualité, c’est plus facile de faire la différence sur 95 minutes. » Son futur successeur sait donc ce qu’il lui reste à faire : faire jouer Cherki jusqu’à ébullition.

2021-2022 : pas encore le big Bosz

« J’ai une très bonne relation avec Peter Bosz, je discute beaucoup avec lui. Sa philosophie me convient. Je vais encore progresser à ses côtés, c’est certain, nos échanges sont bons, on parle football, on parle tactique. » Face à l’inquiétude grandissante des supporters concernant de prétendues relations difficiles avec son coach, Rayan Cherki choisit Onze Mondial pour éteindre le début d’incendie. Pourtant, dès son intronisation, l’entraîneur batave a bien décelé des carences chez celui qui lui a été présenté comme un phénomène. « Ça se passe bien avec Cherki. Il a encore beaucoup à apprendre. Il montre des choses très intéressantes mais il doit également beaucoup travailler. Je suis là pour donner la main aux jeunes joueurs », indiquait-il un mois après sa prise de fonctions sur le banc lyonnais. Alors, pour le laisser cuire à point, Peter Bosz ne laisse à son joueur que les fins de matchs de Ligue 1 Uber Eats, le Franco-Algérien étant surtout sollicité en Europa League. Hasard ou coïncidence, le petite coupe d’Europe est la compétition au sein de laquelle les Gones brillent le plus au cours de cette saison 2021-2022. Titulaire lors des trois matchs retour des phases de poules, Cherki participe largement à la qualification, sans la moindre défaite (5 victoires et un nul), des Gones pour le tour suivant.

Alors que les limites du Lyon de Peter Bosz (aucune victoire sur la période décembre/mi-janvier) sautent de plus en plus aux yeux des supporters, le vilain pépin physique, tant redouté par les jeunes joueurs sur le point d’exploser, et survenu au mois de février 2022 pour Cherki, va bouleverser la fin de saison du prodige. Entré en jeu en début de seconde période lors de cette défaite sur la pelouse de l’AS Monaco (0-2), le milieu offensif des Gones se blesse dans un duel avec Ruben Aguilar, et se voit obligé d’abandonner ses coéquipiers à quelques minutes du coup de sifflet final. Victime d’une fracture non déplacée du 5ème métatarse, le meneur de jeu se fait opérer quelques jours plus tard, et il ne refoulera plus les pelouses de L1 jusqu’à la fin de saison.

 
 
 
 
 
Voir cette publication sur Instagram
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 

Une publication partagée par Rayan Cherki (@rayan_cherki)

Forcément, c’est un Cherki débordant de motivation qu’on retrouve lors de la préparation estivale suivante. Soucieux de rassurer les supporters, l’OL a largement relayé le travail de rééducation de son joueur sur les réseaux sociaux. En coulisses en revanche, le serpent de mer que constitue sa prolongation de contrat commence à agacer le président Aulas. Lors de l’officialisation de la prolongation de Maxence Caqueret, il indique une première fois que Cherki, dont le contrat se termine en juin 2023, dispose d’une proposition entre les mains. Puis avant le premier match de préparation face à Bourg-en-Bresse, JMA taquine publiquement Rayan Cherki, en lui indiquant « qu’il faut signer et que Maxence lui a promis cette prolongation ». Le feuilleton se conclut à la fin du mois d’août, avec une petite prolongation d’une année (plus une optionnelle, qui va être levée dans les prochains jours). « Il était important de prolonger dans le club de ma ville, mon club de cœur où je n’ai pas encore fait tout ce que j’ai envie de faire. Je reviens de blessure. J’espère pouvoir jouer le maximum de matches cette saison pour prouver que j’ai ma place à l’OL. », commentait l’international espoir au moment de l’officialisation.

Rayan Cherki prolongé jusqu’en 2024 (bientôt 2025), les supporters imaginent qu’il est enfin l’heure de voir exploser celui qui est né en 2003. Mais Peter Bosz voit les choses autrement, ce qui commence à sérieusement agacer l’intéressé. Alors qu’il vient tout juste de briller avec les Espoirs (deux passes décisives face à la Belgique), le Franco-Algérien confie au journal l’Équipe son amertume vis-à-vis de sa situation en club. « Non, je ne pense pas être un joker. Je peux être satisfait mais il faudrait que je puisse réaliser ça sur quatre-vingt-dix minutes. J’espère qu’en club je pourrai le faire ». Le message pour Peter Bosz se fait même un peu plus pressant juste après : « J’essaie de faire le maximum pour montrer que je mérite une place de titulaire. Mon heure viendra à un moment, je le sais, je suis patient, même si l’impatience commence à se faire ressentir. » L’impatience de Cherki est d’autant plus compréhensible qu’il est loin de voir ses coéquipiers briller sur le pré. Déjà privés de coupe d’Europe, les Gones vont enchaîner une terrible série de six matchs sans victoire, qui aboutira au licenciement du coach batave. Mais fin septembre 2022, Peter Bosz est toujours entraîneur de l’OL et donc dernier décideur au moment d’aligner son XI. « Je sais qu’il est très populaire, c’est super pour les supporters et Rayan. Moi je regarde avec qui on peut gagner des matchs. C’est mon repère. Si je pense que c’est avec lui, il va jouer. Si je pense qu’on a plus de chance de gagner avec un autre joueur, ce sera l’autre joueur, recadre le technicien lyonnais, avant de louer les qualités de son joueur. Il a des qualités vraiment spécifiques, dont les passes décisives. C’est un mec avec deux pieds, il peut faire la différence de cette manière. Jusque-là, il était remplaçant, à partir d’aujourd’hui, je ne sais pas.» Verdict ? Peter Bosz ne le titularisera plus jusqu’à son éviction.

2023 : tous les feux sont au Blanc

«  Les jeunes joueurs sont très talentueux, certes, mais dans cette période-là, je pense que les joueurs expérimentés seront ceux qui vont être déterminants. C’est aux anciens de faire émerger les choses, les jeunes doivent s’imprégner pour être ensuite des moteurs dans le futur. » Soucieux de relancer une équipe à la dérive, Laurent Blanc préfère prévenir son monde lors de sa présentation en octobre dernier : il compte sur les anciens pour prendre leurs responsabilités. Une bien mauvaise nouvelle pour Rayan Cherki, ainsi que pour les suiveurs de l’OL acquis à sa cause. Et les premières compositions de Blanc vont confirmer la tendance. Pour obtenir des résultats rapides et donc engranger de la confiance, l’entraîneur lyonnais fait le choix de relancer Houssem Aouar, ou de replacer Thiago Mendes dans le cœur du jeu. De leur côté, les jeunes pousses sont priés d’attendre patiemment leur tour. « Je trouve qu’il y avait trop peu de concurrence à mon arrivée. Des gens de 18, 19 ans qui sont établis soi-disant comme titulaires, sincèrement pour moi ce n’est pas une bonne chose. À 18 ans, si vous êtes sûr de jouer, ce n’est pas bon. », observait-il après la victoire face à Lens dimanche dernier.

Pourtant, en analysant les matchs de l’OL autour de la Coupe du Monde au Qatar, Blanc a du se rendre à l’évidence : sa confiance en l’expérience n’a pas porté ses fruits. Obtenant un bilan égal à celui de son prédécesseur après 10 journées sur le banc lyonnais (14 points, soit le total de Bosz au moment de son licenciement après la 10ème journée), le Président se résout à renvoyer les Boateng, Dembélé et autres Aouar au placard. L’ancien entraîneur bordelais a également pu profiter de la Coupe du Monde pour apprendre à mieux connaître son effectif. Une trêve pendant laquelle Rayan Cherki a réussi à agacer tout le staff lyonnais, en se ridiculisant d’une panenka totalement manquée en amical face à Arsenal (0-3). Plus que le geste mal maîtrisé, c’est son attitude nonchalante, qui a particulièrement déplu en interne. Mais hormis ce fait de jeu, Blanc a pu constater pendant cette deuxième préparation de la saison qu’il ne fallait peut-être pas enterré trop vite les jeunes pousses du Groupama Training Center.

Puis arrive janvier 2023, et un mercato hivernal qui restera dans les annales de l’Olympique lyonnais. Avec pas moins de six départs (Toko-Ekambi, Faivre, Reine-Adelaïde, Tetê, Da Silva et Pollersbeck) pour trois arrivées (Lovren, Sarr et Jeffinho), Blanc et ses dirigeants redistribuent totalement les cartes. Décidé à fonctionner avec un effectif réduit, le coach rhodanien sait pertinemment qu’il devra piocher dans l’académie pour relever la barre rhodanienne. Et afin de conserver des forces, l’ancien sélectionneur demande à ses dirigeants de résister au forcing des grands clubs européens pour ses meilleurs talents. « D’une manière générale, dès que je perds des joueurs que je veux conserver, ça ne me plait pas. Est-ce que j’ai eu des garanties sur ces deux-là ? Oui. Mes dirigeants m’ont dit qu’ils finiront la saison avec l’OL. », indique-t-il au sujet de Cherki (convoité par le PSG) et Malo Gusto (transféré à Chelsea pour 30 M€ mais prêté à l’OL jusqu’à la fin de la saison). Et forcément, lorsqu’on retient des jeunes joueurs convoités par des clubs d’un standing supérieur au sien, c’est pour leur confier des responsabilités.

Pourtant, alors qu’il le titularisait pour la deuxième fois consécutive lors de la défaite des Gones à domicile face à Clermont (0-1), Laurent Blanc remet au goût du jour le constat effectué par Peter Bosz au sujet de Cherki quelques années plus tôt. « Rayan a profité de plein de choses, mais il a aussi su mettre au service son talent, qui est grand. Après, il doit faire encore mieux. Avec lui, tu peux être très exigeant, il a un potentiel grand. (…) Après, il faut enchaîner physiquement. C’est beau de dire « je veux jouer, je veux jouer ». Il faut être capable de maintenir la performance et d’enchaîner les matchs. Parfois, il faut mieux aussi les protéger pour qu’ils soient meilleurs quand on les remet titulaires. » Mais plutôt que de l’accabler, Laurent Blanc va chercher à nouer une relation avec son joueur, basée sur la discussion et la compréhension. « C’est un garçon amoureux du football, ce qui est déjà très bien. Cela peut paraître paradoxal mais c’est déjà bien voire très bien. C’est un garçon qui a beaucoup de talent, tout le monde est pratiquement unanime là-dessus. Il a beaucoup de talent mais il faut l’utiliser à bon escient et l’utiliser pour le bien de l’équipe, indiquait Laurent Blanc face à la presse. Ce n’était pas toujours le cas avec Rayan et cela a donné lieu à des discussions un petit peu chaudes avec lui. Je trouve souvent que les joueurs de talent sont différents parce que souvent ils le sont. Mais si vous avez la chance d’avoir un joueur de talent et qu’il le met au service de l’équipe cela peut donner des choses magnifiques. »

L’explosion de Cherki sous Blanc est également dû à son repositionnement. Longtemps ailier puisque les derniers entraîneurs lyonnais devaient proposer des compositions d’équipe adaptées aux qualités de Moussa Dembélé, le Franco-Algérien s’est forcément senti considéré lorsque le Président a décidé de le replacer comme meneur de jeu, son poste de prédilection. D’ailleurs, ce repositionnement met au grand jour la complicité qu’entretient le meneur de jeu avec Alexandre Lacazette, attaquant phare et capitaine de cet OL 2023. La complicité du duo rappelle forcément la bonne entente entre l’ancien joueur d’Arsenal et Nabil Fekir, même si celle avec Cherki semble aller au-delà. « On a une relation qui dépasse le foot, tout simplement. On s’aime bien, on s’entend bien et ça se ressent sur le terrain. Il joue pour moi, je joue pour lui. Et tant que cela fait du bien à l’équipe, on espère que ça continuera comme ça le plus longtemps possible. » Retrouver un OL conquérant grâce à deux joueurs formés au club, les supporters ne demandent que ça.

Crédit photo : Icon Sport

Articlés liés

Laisser un commentaire

Votre adresse e-mail ne sera pas publiée.

Bouton retour en haut de la page

Pour lire cet article en intégralité,
n’hésitez pas à commander le numéro concerné !